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Issu d’une famille nivernaise de notaires, Romain Rolland poursuit
brillamment des études au collège de Clamecy jusqu’à la classe de seconde,
époque à laquelle ses parents viennent s’installer à Paris. Après des études au
lycée Saint-Louis puis au lycée Louis-le-Grand, il est reçu en 1886 à l’École
normale supérieure où il se lie d’amitié avec André Suarès, George Mille et rencontre
Paul Claudel. Reçu à l’agrégation d’histoire en 1889, membre de l’École
française de Rome, le jeune Romain passe deux années à Rome durant lesquelles sa
rencontre avec Malwida von Meysenbug, qui avait été l’amie de Nietzsche et Wagner,
ainsi que la découverte des chefs-d’œuvre de l’art italien, seront décisives
pour la construction de sa pensée. En
1892, il se marie avec Clotilde Bréal dont il divorcera en 1901.
Tout en assurant un service restreint d’enseignement au
lycée Henri IV (1893-1894) et au lycée Louis-le-Grand (1894-1895), il rédige et
soutient sa thèse de doctorat, Histoire
de l’opéra en Europe avant Lully et Scarlatti. Les origines du théâtre lyrique
moderne (1895). Que ce soit en tant que secrétaire du Congrès d’histoire de
la musique dès 1900, enseignant à la section de musique de l’École des hautes
études sociales (1902-1911) ou à la Sorbonne (1903-1912), Rolland insiste
sur la nécessité de former des historiens de la musique par l’introduction à
l’Université de l’histoire musicale.
Jusqu’à présent, en tant qu’auteur, Rolland a travaillé à
diverses pièces de théâtre : Les
Loups, (joué en 1898), Le Triomphe de
la Raison (en 1899), Danton (en
1900), le Quatorze juillet (en 1902).
Il fait paraître Vie de Beethoven
(1903) et Vie de Michel Ange (1905) aux Cahiers
de la Quinzaine de Péguy qui vont publier, de 1904 à 1912, les différents
livres de Jean-Christophe, œuvre qui
lui fera connaître la célébrité et sera traduite en de nombreuses langues. En
tant que musicologue, il publie Musiciens
d’aujourd’hui, Musiciens d’autrefois
en 1908, et Haendel en 1910.
Après avoir démissionné de l’Université en 1912, il rédige Colas Breugnon, roman bourguignon dans
la tradition gauloise. Mais la déclaration de guerre, qui le surprend en
Suisse, où il décide de rester, va marquer son entrée en politique et son
engagement en faveur du pacifisme. Fin 1916, il reçoit le Prix Nobel de littérature au titre de l'année 1915. Il a fait
connaissance cette année-là de Jouve et Masereel qui viennent s’installer en
Suisse. Pendant un temps employé à l’Agence internationale des prisonniers de
guerre de la Croix-Rouge, il publie des articles dans le Journal de Genève puis dans d’autres revues, comme celle de
Guilbeaux : Demain (articles
repris dans Au-dessus de la Mêlée,
1915, puis en 1919, dans Les Précurseurs).
Il reçoit la visite de nombreux pacifistes qui, à l’exemple du peintre Thiesson, viennent le soutenir contre ses détracteurs qui l’accusent de
« défaitisme ».
Après la guerre, il publie dans l’Humanité, une « Déclaration de l’Indépendance de
l’Esprit », signée par des personnalités du monde entier, Liluli, « farce
aristophanesque » qui tourne la guerre en dérision, ainsi que Voyage musical au pays du passé. En
1920, paraissent deux romans : Clérambault, histoire d’une conscience libre
pendant la guerre, Pierre et Luce,
et en 1921, en collaboration avec Masereel, La
Révolte des Machines.
Dans l’entre-deux guerres, Romain Rolland s’intéresse à
l’Inde sous l’angle politique (Mahatma
Gandhi, 1924) et religieux (Essai sur
la mystique de l’action et de l’Inde vivante. La Vie de Ramakrishna, 1929,
et Vie de Vivekananda et l’Evangile
universel, 1930). De nombreux extraits de ces œuvres paraissent dans la
revue Europe, fondée en 1923 sous son
patronage. Il correspond avec de nombreux Indiens qui viennent lui rendre
visite dans sa maison de Villeneuve, au bord du lac Léman, où il s’installe
pour se consacrer à son œuvre : divers chapitres d’une sorte de méditation
autobiographique, Le Voyage intérieur (1924, achevé en 1944),
un récit de grande ampleur, sans doute le premier roman féministe de la
littérature française : L’Âme enchantée
(1922-1933), la suite du Théâtre de la Révolution (Le jeu de l’Amour et de la Mort, 1925, Pâques fleuries, 1926, Les
Léonides, 1928) et le début des Grandes
Époques créatrices, série d’ouvrages consacrés à Beethoven (1928, achevé en
1944)
Sur le plan politique, son engagement pour la défense de la
Russie soviétique et sa dénonciation du fascisme hitlérien s’affirment aux
côtés d’intellectuels comme Henri Barbusse, Jean-Richard Bloch, Jean Guéhenno
ou Aragon. Initiateur du Congrès mondial contre la guerre impérialiste (1932)
et président d’honneur du Comité antifasciste international (1933), Rolland
exprime ses positions idéologiques dans des écrits politiques, recueils
d’articles, de messages et d’adresses parus dans la presse et regroupés sous le
titre : Quinze ans de combat, et
Par la Révolution la Paix (1935).
Tout en entretenant
des rapports épistolaires et amicaux avec de nombreux correspondants français (Alain,
Arcos, Chateaubriant) et étrangers (Hesse, Strauss, Zweig, Freud, Tagore),
Romain Rolland mène une vie entrecoupée de problèmes de santé et de voyages en
Europe. Lors de son séjour à Moscou en 1935, à l’invitation de Gorki, il
rencontre Staline.
Fêté
en 1936 par le Front populaire, il est déçu par les procès de Moscou.
En 1938, l’année même des accords de Munich contre lesquels il
proteste, il retourne dans sa région natale et s’établit à Vézelay.
Déçu par le pacte germano-soviétique, il se consacre à l’écriture de
Péguy, son dernier ouvrage (qui paraîtra en 1945) et ne confie ses
réflexions qu’à son Journal ou à quelques correspondants. L’année de sa
mort (1944), il relit les Évangiles, qu’il médite, plume à la main.
Roland Roudil
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