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Jean Jouve Ouvrages critiques |
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des Ouvrages critiques sur Pierre Jean Jouve 2017 |
Jérémie Berton
La Musique et la forme dans l'oeuvre poétique de Pierre Jean Jouve Bibliothèque des Lettres modernes / critique Classiques Garnier |
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Bibliothèque des Lettres Modernes |
Introduction(extraits) |
Pierre Jean Jouve s’est […] confronté, à travers son écriture poétique, à un problème historique lié à la définition même de la poésie. En tant qu’art de faire, la poésie, le mot étant compris dans son acception grecque, est scindée, disloquée par la modernité qui spécifie les techniques : technique poétique contre technique musicale. C’est cette séparation que nous étudierons dans un premier temps, séparation qui prendra la forme d’une crise, théorisée par Jouve lui-même, crise conçue comme une catastrophe. Car, si étymologiquement le mot poésie recoupe toute l’étendue des techniques de l’art, il en va de même du mot musique. Nous verrons que cette catastrophe, ces effets de sens qui lient et délient les notions de poésie et de musique, prennent un tour tout à fait spécifique au cœur de la modernité, au moment où la question du sens, débordée par le pouvoir de suggestion lié au travail poétique tel que le décrit Stéphane Mallarmé, travaille la modernité poétique dans son ensemble. Dans un second temps, nous tenterons d’élucider la nature de cette interdiction qui pèse sur la poésie, interdiction dont nous verrons qu’elle s’assimile à un tabou pesant sur la possibilité même de la rencontre entre poésie et musique : J’admets que le rétrécissement du champ dans la rareté nous est donné comme condition préalable à l’acte créateur. Le phénomène est dès maintenant complètement admis pour la Musique. Si la Poésie est une âme inaugurant une forme – nulle trace de cela n’existait dans le lecteur hasardeux ; en franchissant une sorte de zone interdite, ce lecteur doit encore remonter le courant de la dégradation croissante de son langage dans la parole, il doit même oublier que de savantes théories dénient à présent tout sens au langage (Pierre Jean Jouve, En miroir). À la prolifération du discours, Jouve oppose sa rareté. En s’appuyant sur le mot comme complexe linguistique, il affirme, dans un dualisme qui lui est propre, la double face du signe : « Le “Diseur de mots” est le poète véritable, celui qui fait rendre au langage tout ce qu’il enferme de l’âme, et non seulement la pensée décantée par la logique, mais l’autre souterraine, qui ne répond à rien. » Toute la question du sens réside dans la question poétique, et la musique joue le rôle, dans la poétique jouvienne, de ce langage insignifiant, de cette part inconsciente, « souterraine », du mot qui ne trouve pas de répons sémiotique. Comme tout tabou, comme toute interdiction que l’on tente de lever, la musique dans la poésie est le ferment d’une destruction, d’une catastrophe ineffable qui prend corps dans le cœur même de la parole poétique. En nous appuyant sur les différentes mises en tension psychique, mystique, qui animent le poème dans cette œuvre, nous serons à même de situer ce qui s’y joue organiquement. Le poème se révélera, dans sa complexité, en tant que complexe sémiotique, comme une forme complexe en développement. Les rencontres de la psychanalyse, de la mystique, et de la musique, jouent la scène perpétuellement renouvelée d’une poésie qui tente de dépasser le silence des antinomies, des antilogies qui forment corps. Le matérialisme jouvien y rencontrera la nature même du matériau musical, épreuve imposée du dehors, matériau poétique d’une autre nature, venant l’altérer profondément. La musique, au-delà du creusement métaphorique qu’elle impose à la poésie, y jouera un rôle, son rôle, consistant dans la forme même de ce qui ne peut être poétique, formant un principe contradictoire mettant en danger le sens, le rythme, et dessinant deux limites, l’une inférieure, l’autre supérieure, en affrontement. Deux limites ou deux tendances, l’une tendant vers la glossolalie, ouvrant le potentiel de la syllabe comme signe-son ; l’autre tendant à l’harmonie et au sublime. Avec la question du génie, avec la question du sublime, qui trouve encore d’étonnantes résonances dans l’œuvre tardive de Pierre Jean Jouve, le sujet poétique confronte la musique à la poésie, le signifiant à l’insignifiant, le dicible à l’indicible. « Considérée dans son entier développement, l’œuvre de Jouve doit être lue dans son rapport avec la musique. (Jean Starobinski) » Ce faisant, il rouvre le livre de son œuvre poétique, la requalifie, et la reconfigure dans un dialogue avec la musique qui livre la poésie à son silence, et à sa mort. Les figures mêmes du drame musico-poétique que sont Orphée, Don Juan, Wozzeck ou Lulu, joueront alors cette scène psychique de consécration, de retour à la pureté d’un chant enfoui, dont les lignes de force signent un paysage symbolique ouvert sur la mort, sur la musique, sur une forme de blancheur et de silence que permet la musique, comme retour sur soi de la poésie.
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Table des matières |
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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Première partie CHANTER LA CATASTROPHE
Nature de la catastrophe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Poésie du verbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 La poésie de la catastrophe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 La catastrophe du sens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Le thème Nada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Catastrophe du sujet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Le chant d’Orphée. Voix et défaite du regard . . . . . . . . . . . . . 61 Substance à Dieu : ce qu’on appelle musique en poésie . . . . . . 74 Le Moi de Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Pour un inconscient du son . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Catastrophe du lieu, le monde informe . . . . . . . . . . . . . . 101 Les mondes déserts : l’expérience de l’illimité. . . . . . . . . . . . 101 Le monde comme courbe : historicité du poème jouvien . . . . 109 L’ombre musicale du poème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Catastrophe de la forme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Pour une littérature « atonale » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Rythmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Matière sonore : magie du son . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 La rime en diadème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Deuxième partie LA MUSIQUE OU L’EXPÉRIENCE NÉGATIVE DE LA POÉSIE
La confusion musicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 La musique, l’informe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Beauté musicale de Pierre Jean Jouve . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Le contrepointde la mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 Le récitatif ou le refoulement musical . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 Glissements dans le langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 La solitude sonore du poète : re-connaissances. . . . . . . . . . . . 201 Le Mélodrame du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Verset dans le langage des ondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Intertextualité musicale : Les principes de composition. . . . . 243 Une rechute dans le chaos La démesure musicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Discours poétique – discours musical . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Jouve contre Valéry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262 La défiguration du poème – entre modernité et classicisme . . . 269 Le
combat de Tancrède et Clorinde de Pierre Jean Jouve. Réécriture ou
transposition ? . . . . . . . . 277
Troisième
partie
LES LIEUX DE LA RENCONTRE DU POÉTIQUE ET DU MUSICAL Poétique de la répétition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297 Anaphore : pour un système distributif . . . . . . . . . . . . . . . . 297 Poétique de la série : la transition infime . . . . . . . . . . . . . . . 306 Le pouvoir destructeur de la répétition . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 La Figure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 Lieu psychique, lieu sémiotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 Isis : le devenir-musique de la poésie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 Lieu Lulu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 Le théâtre musical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363 Architecture sonore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363 Le convive de pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374 La musique et la mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 397 Index des poèmes cités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417 |
Document
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D'après Le Tasse, mis en musique par Claudio Monteverdi, Le Combat de Tancrède et Clorinde de Pierre Jean Jouve est-il une réécriture ou
une transposition_? (Fac-similé extrait de l'édition de Gloire, Alger, Edmond Charlot, Collection "Fontaine" sous la direction de Max-Pol Fouchet, janvier 1942) |
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Dernière mise à jour : 20 septembre 2017 Première mise en ligne : 20 septembre 2017 |