Site Pierre Jean Jouve
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La lecture Blanche |
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par Jean-Paul Louis-Lambert |
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L'Oubli de Blanche |
(2009-2010) |
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Evénement 2012 Henry Bauchau Pierre et Blanche Note de lecture La Rencontre Henry Bauchau, Blanche Reverchon, Pierre Jean Jouve |
Les récentes (mars 2009) « Notes éparses » de Lauriane Sable et de Régis Lefort témoignent de l'intérêt de la recherche actuelle pour le rôle joué par Blanche Reverchon, psychanalyste et épouse, sur la vie et l'œuvre de Pierre Jean Jouve, rôle que l'on connaît souvent à travers le journal et les romans de Henry Bauchau. Sur la vie, il n'y avait guère de doute. Le livre fondateur de Daniel Leuwers, Jouve avant Jouve (1984), a montré le rôle fondamental de Blanche dans le « reniement » de 1925. Plus récemment, Béatrice Bonhomme, dans Pierre Jean Jouve ou la Quête intérieure (2008) en a défini des étapes, depuis la découverte de 1921 jusqu'à la « rupture » avec le passé imposée par Blanche en 1927. Mais quel rôle Blanche a-t-elle joué sur l'œuvre ? Puisqu'on sait l'importance de la découverte de la psychanalyse chez Jouve, il était clair que Blanche en était la source et on voyait sa marque probable derrière un texte aussi important que l' « avant-propos dialectique » de Sueur de Sang (1933), « Inconscient, spiritualité et catastrophe ». Mais que peut-on dire d'autre ? Tant de choses sont inconnues. La discrétion de Blanche est maintenant connue : Heather Dohollau a témoigné (Cerisy, août 2007) du refus de Blanche de se laisser photographier, aussi dans les livres publiés sur Pierre Jean Jouve, et qui sont souvent illustrés, il n'existe (à notre connaissance), qu'une seule photographie publiée de Blanche, dans la Revue L'Autre (1992). |
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La biographie de Blanche est pleine d'inconnu et de mystères. La page de Wikipédia consacrée à Blanche Reverchon – et rédigée (à la date actuelle, 21 mars 2009) par un membre actif de la Société des Lecteurs de Jouve –, donne les quelques éléments à peu près assurés. Mais n'y a-t-il rien d'autre à dire d'une psychanalyste qui, outre son mari, a « aidé » Balthus, et psychanalysé des artistes aussi importants que le poète surréaliste anglais David Gascoyne, l'un des plus grands compositeurs italiens du XXe siècle, Giacinto Scelsi, ou le plus grand écrivain belge actuel, Henry Bauchau ? Que sait-on de la cinquième des fondateurs, en 1953, de la Société Française de Psychanalyse, avec Daniel Lagache, Juliette Favez-Boutonnier, Françoise Dolto et Jacques Lacan ? Blanche n'a pas laissé de papiers (elle a exigé qu'ils soient brûlés). Mais, en tant que psychanayste, elle a laissé des souvenir très forts chez ceux qu'elle a soignés. Nous allons ainsi voir que Blanche est devenue un personnage romanesque signifiant chez Henry Bauchau. |
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1966
En 1966, avec La Déchirure, Blanche Reverchon est devenue un personnage romanesque. Elle y est « La Sybille », la psychanalyste qui s'exprime comme un oracle. |
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Bibliographie 1995-2009 |
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1995 |
La voix de Blanche | |||
Une étude peut être considérée comme fondatrice, celle d'Odile Bombarde, « La Voix de Blanche » de 1995 (colloque du Collège de France, Jouve poète, romancier, critique). En comparant La Déchirure (1966) de Henry Bauchau et divers textes de Jouve (Vagadu, 1931) – et de Blanche puisqu'elle analyse aussi l'unique texte co-signée par Blanche et Pierre, « Moments d'une psychanalyse » (1931) – Odile Bombarde décèle, dans la démarche psychanalytique propre à ces textes distants de plus de trente ans, des éléments originaux, qui n'appartiennent pas à la psychanalyse orthodoxe classique, et qu'on ne peut rapporter qu'à la technique psychanalytique propre à Blanche. Un de ces éléments, c'est l'existence d'une figure imaginaire nommée « Imago », figure qui apparaît – ce qui marque que le processus psychanalytique est en marche – et qui disparaît quand la cure s'achève. C'est la « rêverie des Tsars » de la psychanalyse de Mademoiselle H., c'est la « petite X » de Vagadu qui « interprète le travail en cours », et « Mérence » (« la mère, en ce qu'elle est absen(c)e ») de La Déchirure. Odile Bombarde est peut-être la première à poser la question : est-ce « à travers l'œuvre de Jouve que l'œuvre de Blanche s'est fait entendre » ? Derrière l'écriture de Jouve, « la parole de Blanche » ? |
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1999-2005 | La Trace Blanche | |||
En 1999, dans le cadre d'une série d'études conscacrées au « secret », Myriam Watthee- Delmotte considérait En miroir (1954), ce livre autobiographique où Jouve se montre d'une extrême discrétion. Le « Journal sans date » est sans doute l'un des textes autobiographiques les plus difficiles à décoder de la littérature française, tant Jouve y fait semblant de raconter sa vie et son œuvre, tout en les réécrivant d'une façon extrêmement stricte (« maîtrisée »). En particulier ce qu'il n'y dit pas semble l'emporter (et de loin) sur ce qu'il y dit. Blanche y apparaît sous le nom codé de « B. ». Jouve en fait un éloge à la fois extrêmement vif et extrêmement bref. Il écrit que Blanche a eu une importance fondamentale dans sa vie, mais il dit fort peu de choses sur ce qu'elle lui a concrètement apporté. Myriam Watthee-Delmotte s'attaque à la « position inexpugnable » proclamée par l'écrivain et elle s'interroge sur « la présence évanescente dans cet écrit de la femme qui a réellement partagé l'existence de Jouve (..) Jamais nommée, si ce n'est par l'initiale de son prénom, jamais décrite, pratiquement gommée du discours (...) Blanche n'est évoquée que dans la mesure où elle fournit des éléments à l'élaboration de l'univers imaginaire du poète ». A l'opposé, Jouve noie « son lecteur sous un flot d'informations » concernant « les autres figures féminines » : Blanche est « le secret de sa vie », et si le poème « Trésor » ne la nomme pas, c'est « dans la crainte d'être perdue, contrairement aux Eurydice imaginaires ». En 2005 dans le second numéro de la revue NU(e) consacré à des Relectures de Pierre Jean Jouve (2005), Myriam Watthee-Delmotte partait à la recherche de « La Trace Blanche » chez Jouve et Bauchau. Elle y montrait le rôle essentiel qu'elle a joué chez tous deux, en particulier pour les délivrer du poids de la figure trop lourde du père : une figure paternelle trop valorisée chez Bauchau, une figure paternelle trop dévalorisée chez Jouve. Amie-psychanalyste de l'un, épouse-psychanalyste de l'autre, Blanche a permis la naissance de deux poètes. |
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2001 |
La Colombe | |||
Dans le Cahier Minard N° 6, Géraldine Lombard (« Une écriture du désir en quête d'identité ») est à la recherche du « corps féminin » (c'est dans le titre de sa thèse) chez Jouve. Elle constate que « l'oeuvre poétique contient peu de poèmes d'amour rappelant son lien avec Blanche ». Dans En miroir, « l'importance de Blanche est attestée ». Mais, « malgré cela, Jouve ne transpose pas dans son oeuvre cette passion incontestable ». Elle détectait avec une grande intuition la présence (maternelle) de Blanche sous forme d'un « code secret » dans quelques poèmes de Noces : il s'agissait de jeux de Jouve sur la (blanche) « colombe » et sur la « branche » : « Ô Mère pathétique / Ô mère blanche » ou « Une colombe / Balancée sur la nue branche ». Géraldine Lombard pensait que la présence de Blanche disparaissait après Noces pour « laisse(r la) place au mythe d'Hélène » et ne revenir ensuite que très tardivement dans l'œuvre du poète, dans « Trésor » de Proses (1960). |
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2004 | ||||
2007 |
La Présence mythique de Blanche |
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La lecture du Journal et des romans de Henry Bauchau reste une source inégalable pour approcher le rôle de Blanche dans la création des hommes dont elle s'est chargée. En 2007, dans un numéro de la revue NU(e) consacrée à Henry Bauchau, Béatrice Bonhomme lit Bauchau pour mieux y retrouver la « présence mythique de Blanche », habituellement cachée par Jouve, mais partiellement dévoilée par Bauchau. La psychanalyse suivie par Henry Bauchau avec Blanche de 1947 à 1951 « consiste avant tout à ouvrir un chemin vers la création artistique ». Un influence thématique peut également s'y révéler : on décèle dans l'oeuvre de Bauchau des motifs « prégnants » communs avec Jouve, comme celui du labyrinthe – image de la cure psychanalytique qui doit déboucher sur une ouverture. C'est dans L'Enfant bleu, le roman publié par Bauchau en 2004, que celui-ci dévoile certains traits de la personnalités de sa psychanalyste. En effet, son héroïne : « Véronique qui, comme Blanche, est âgée de dix ans de plus que on mari, parallèlement à son métier de psychanalyste soutient Vasco dans son cheminement et l'amène à la création ». « Enfin la Véronique de L'Enfant bleu accepte de sacrifier son propre travail de poète au bénéfice de son mari et d'Orion ». L'enfant psychotique décrit ses rêves d'angoisse, mais dicte aussi des textes influencée par la psychanalyste. De qui parle Bauchau ? De l'influence de Blanche sur lui-même, ou sur Jouve ? Chez Bauchau « Blanche a pris les dimensions d'un mythe, qui a valeur initiatique, et dont l'auteur se sent investi. » Et chez Jouve ? « Tous ceux qui ont approché Jouve, ont souligné à quel point Blanche était présente derrière la création jouvienne ». Les oeuvres de Jouve et de Bauchau n'ont rien de commun, mais tous deux ont été éduqués par la même inspiratrice, Blanche. |
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2007 |
La Musique Blanche |
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Les actes du colloque de Cerisy paraîtront aux Editions Calliopées. Dans le chapitre consacré à Jouve par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert dans les Regards sur la Poésie du XXe siècle dirigé par Laurent Fels, une brêve synthèse de leurs lectures a été présentée. |
Au colloque de Cerisy d'août 2007, Jean-Paul Louis-Lambert a proposé de lire des poèmes de Jouve en visualisant leurs images, certes, mais en écoutant aussi leur musique par le décodage d'anagrammes dispersés. Sa méthode de lecture s'est inspirée de celles de Martine Broda et Jean Starobinski. Martine Broda a lu le nom d' « Hélène » dans les vers d'un poème (dédié à Hélène), ainsi : « Que tu /es/ b/elle/ maint/e/nant que tu /n’e/s plus ». Jean Starobinski, dans « Vrai corps », lit le nom de « Maria » dans un poème où celle-ci n'est pas citée : « Pour mar/cher sur la magn/i/f/i/que d/a/lle de chagrin ». C'est le vers final de « Juin ou Lisbé » qui a servi de guide à J.-P. L.-L. : « Deux b/i/che/s a/l/lait/aient les serp/ent/s et les /pierre/s » où l'on peut entendre les prénoms de « Blanche » et « Pierre » (et le « lait » connote la blancheur). Le poème où l'on entend le plus la « musique Blanche » est sans doute « A l'Autre Monde ». Dans ces vers : « Sur ces plateaux de déserts et de charmilles / Dans la désolation blessée des antres verts ! » et « D’un ciel gros bleu tout opulent de rayons morts / Adorable ruban que la chair se déroule », on peut entendre toutes les syllabes du prénom et du nom (pas facile à placer dans un poème !) de Blanche Reverchon. On entend un peu cette musique dans Les Noces (1925-1931) – comme l'a entendue Géraldine Lombard – et dans Sueur de Sang (1933-1935), mais c'est dans Matière Céleste (1937), et singulièrement dans sa première section Hélène (1936), que la « musique Blanche » est la plus présente. Ensuite, elle semble s'évanouir. Des témoignages affirment que Jouve racontait ses rêves tous les matins
à
Blanche qui, certainement, les interprétait. Jouve a-t-il donc vécu
un« transfert sauvage » avec son épouse-psychanalyste
? Lui
qui a tant caché Blanche dans son œuvre officielle, a-t-il
laissé son
inconscient chanter de façon secrète le nom de la femme qui lui a donné
les clefs des « imaginations » qui
hantaient son inconscient ? |
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2008 |
La petite X et l'Enfant bleu | |||
Sur
le Site
Pierre Jean Jouve, Régis
Lefort enrichit la thématique de l '« Imago » en comparant la structure de L'Enfant bleu de
Henry Bauchau avec celle de Vagadu
(1931) de Jouve. En 1966, Bauchau avait mis en scène sa psychanalyste
des années 1947-1951 sous le nom de la « Sibylle » ; en 2004, la Blanche romanesque
connaît un nouvele avatar, la psychanalyste « Véronique » qui soigne « Orion », l'enfant psychotique. Régis Lefort s'attache en particulier aux
personnages imaginaires qui accompagnent Orion dans sa quête : « La Vierge de Paris » et « l'enfant bleu » . La Vierge de Paris
est une citation explicite d'une oeuvre de Jouve, et «
l’enfant bleu (est) son double masculin, avec lequel Orion communique
dans une langue qu’il appelle "le médiouse", (et qui) est le personnage
qui "sait ce qu’il faut faire" pour ne pas être envahi par les émotions
». « Selon Henry Bauchau, on pourrait dire de l’enfant bleu pour Orion "qu’il a une certaine ressemblance avec la Petite X (pour Catherine), c’est-à-dire qu’il vient au secours de son esprit" [Entretien avec l’auteur, 29 octobre 2004]. Et, si l’on se rappelle Vagadu, et plus particulièrement le chapitre IV et la fin du roman, on peut à l’évidence envisager la Petite X comme cette force inconnue, ce personnage secret, qui vient au secours de Catherine martyrisée par le monstre Vagadu. La Petite X vient retrouver Catherine parce qu’elle sent que celle-ci a besoin d’elle, et Catherine éprouve d’ailleurs à son contact – elles se tiennent par le bras – une immense douceur dans son cœur. » Henry Bauchau psychanalyste a-t-il poursuivi la méthode psychanalytique mise au point par Blanche (avec Jouve ?) à la fin des années vingt et au début des années trente ? Et c'est par le roman que le psychanalyste-romancier belge s'est exprimé sur ce sujet. Régis Lefort ne dit pas « Imago » à propos du motif central de son analyse, il dit « forces secrètes de l'âme ». Par sa description de l'image qui « apparaît » pour soigner, puis qui « disparaît » quand la cure psychanalytqiue, Regis Lefort a montré que ce motif, déjà découvert dans un roman de Bauchau de 1966, existe toujours en 2004. |
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2009 |
Pierre et Blanche |
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Pëndant longtemps le rédacteur de ces lignes a cru que Bauchau avait prévu d'écrire un ouvrage sur le couple Pierre et Blanche et que ses tiroirs contenaient des notes inédites sur ce sujet. Les pages consacrées aux Jouve dans son journal, en particulier dans La grande Muraille (2005), sont peu nombreuses, mais elles sont très signifiantes. Ce sont peut-être les seules pages qui seront publiées explicitement sur le couple. Des lectures (par Odile Bombarde, par Béatrice Bonhomme, par Régis Lefort) nous avaient déjà appris à lire Blanche derrière des figures romanesques de psychanalystes (« La Sybille » et « Véronique »). Pour le Site Jouve, Lauriane Sable a écrit des notes éparses où elle apporte de nombreuses précisions littéraires et biographiques nécessaires à la compréhension du projet de Henry Bauchau pour écrire sur « Pierre et Blanche ». Ce ne sera pas un essai, ni un volume particulier de son journal, ce seront des romans : « Blanche a donc inspiré le personnage de la thérapeute dans L’Enfant bleu, comme déjà celui de la Sybille dans La Déchirure, ou encore celui de Diotime dans Œdipe sur la route ».Ainsi Bauchau rend un hommage à Blanche, tout en respectant son souhait : la « discrétion ». |
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Blanche chez Jouve et Bauchau une première bibliographie |
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Jouve (et Blanche) |
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Blanche chez Jouve |
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Bauchau (et Blanche) |
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Pierre et Blanche chez Balthus et Scelsi |
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Lire les anagrammes de Jouve |
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Biographies de Jouve |
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Lectrices et Lecteurs de Blanche chez Jouve et Bauchau |
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Compléments (2011) |
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Une première tentative de biographie de Blanche Reverchon |
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Compléments (2012) | ||||
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"Work in progress" Dernière mise à jour : 6 juin 2013
Compléments : 24 novembre 2012 Précédentes mise à jour : 11 avril 2012 Nouvelles mises à jour : 7 juillet et 2 août 2011 Précédente mise à jour : 11 août 2010 Première mise en ligne : mars 2009
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