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Pierre Jean Jouve et l'Histoire

1914-2014 : Commémoration de la première guerre mondiale

Comment situer Jouve ?

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Par Jean-Paul Louis-Lambert
Retour à la page d'accueil  des Notes éparses Jacques Darras : « Jouve est le plus grand poète de la guerre 14-18 »

Jouve et l'histoire

   Il y a une actualité très riche en cette année 2014, c'est la commémoration de la guerre de 1914-1918 (http://centenaire.org/fr). Les écrivains-témoins qui ont écrit sur cette guerre sont relus, réédités, commentés. Le cas de Jouve est très particulier. Il n'a pas, comme Genevoix, Duhamel, Barbusse ou Dorgeles, témoigné sur la guerre des tranchées. Réformé, et pacifiste, Jouve n'est pas parti au front, mais culpabilisé en y voyant partir ses amis, il s'est engagé comme infirmier bénévole à l'hôpital militaire de Poitiers. Il y a vu mourir de nombreux soldats victimes de maladies infectieuses. Lui-même tombe malade deux ou trois fois. Épuisé, comme Romain Rolland en a témoigné dans son Journal de guerre, Jouve part en Suisse. Il y sera un témoin, un écrivain, un militant, un journaliste illustrant le mouvement pacifiste. ►La Guerre et le Pacifisme (page : première vie)

Jacques Darras :

« Les poèmes de guerre de Pierre Jean Jouve sont des chefs-d'oeuvre »

En ouvrant la table ronde qu'il a animée (avec la participation de Catherine Jouve, Robert Kopp et François Lallier) à la BNF le 15 octobre 2013, Jacques Darras a tenu à déclarer : «Les poèmes de guerre de Pierre Jean Jouve sont des chefs-d'oeuvre», ils sont «fabuleux», « c'est le plus grand poète de la guerre 14-18 ». La table-ronde est diffusée en vidéo, sur le site de la B.N.F. 

Ces poèmes, Jouve les a reniés en 1928

Ces poèmes, Jouve les a reniés en 1928,

il a interdit leur réédition. Ils avaient été publiés en petit nombre, et aujourd'hui, Vous êtes des hommes, Poème contre le grand crimeHôtel-Dieu  sont des pièces de collection rares.


On peut les lire partiellement dans les volumes de Oeuvre composés par Jean Starobinski pour le Mercure de France en 1987. Mais limité en volume (le tome I fait 1812 pages ; le tome II fait 2226 pages ; le tome III, qui aurait contenu des articles, n'est jamais paru), l'éditeur a fait des choix :

  • Le tome I contient intégralement Vous êtes des hommes, et des extraits du Poème contre le grand crime et de Danse des morts.
  • Le tome II contient le texte intégral de Hôtel-Dieu, récits d'hôpital en 1915, sans les illustrations de Frans Masereel.

On peut regretter qu'en cette période de commémoration, les jeunes lecteurs ne puissent pas lire "dans leur jus" ces textes.
  • La réédition de Hôtel-Dieu, récits d'hôpital en 1915, intégrale, c'est-à-dire avec les puissantes illustrations expressionnistes de Frans Masereel car, à l'origine, le livre est un objet, sans luxe mais beau, conçu en commun par les deux artistes. Le point de vue — loin du front, mais proches des agonies des hommes qui meurent des maladies qu'ils y ont contractées — donne une grande force aux récits-témoignages de Jouve. A titre personnel, je suis un grand admirateur du chapitre : "Le Père blanc" : la fin de ce récit — l'autopsie du Père blanc, après sa nuit d'agonie — n'a rien à envier aux poèmes de Gottfried Benn dans Morgue !
  • Et, effectivement comme le suggère Jacques Darras, il faudrait la réédition d'un volume de poèmes de guerre, regroupant l'intégralité de Vous êtes des hommes, du Poème contre le grand crime et de Danse des morts. L'extrait du Poème que donne le tome 1 de Oeuvre, "Chant de l'hôpital", donne une belle idée de ces poèmes humanistes, très émouvants.

Jouve sera un anti-munichois actif. 

On ne s'étonne pas que, vingt ans plus tard, le pacifiste Jouve soit devenu un anti-munichois actif, appelant "Aux armes !" contre "la bête de fer / hitlérienne" dans son apocalyptique Ode au Peuple (GLM, 1939).



Février 2014

Jacques Darras

« Il faut très vite réimprimer ce Poème de Jouve Contre le Grand crime  »

Jacques Darras publie Je sors enfin du Bois de la Gruerie  (Arfuyen), sous-titré "Tout reprendre à 1914 — Poème cursif/discursif", une vaste fresque épique et historique, poétique et critique, où il publie des « remontrances » à des poètes célèbres, où il déclare "Je vous dis que j'aurais très vraisemblablement déserté en 1914. Je vous explique pourquoi", où il évoque la "Volatilisation d'Édouard Darras au Bois de la Gruerie le 24 septembre 1914", où il glorifie le "trio d'intelligence majeure à qui l'Europe doit d'avoir survécu à elle-même en ces années d'obscénité meurtière" : Romand Rolland, Stefan Zweig et Sigmund Freud, où il nous fait découvrir les poètes anglais qui ont vécu l'apocalyptique bataille de la Somme et que nous connaissons si mal (Wilfred Owen, Siegfried Sassoon, Edward Thomas) et qu'il traduit. Et bien d'autres choses ; ici, je résume.

►On pourra lire une « anthologie permanente » sur le site Poezibao.

Nous, lecteurs de Pierre Jean Jouve, nous savons que Jouve a renié toute sa première oeuvre, y compris sa période pacifiste, aussi nous sommes frappés par la réédition que nous donne Jacques Darras de grands fragments de son Poème contre le grand crime (petit tirage en Suisse en 1916, quelques pages seulement rééditées depuis) : ces fragments sont sur-titrés par Jacqus Darras : "Brève approche du champ de bataille poétique dans la compagnie du poète infirmier verhaereno-whitmanien Pierre Jean Jouve". Jacques Darras proclame ensuite :

Il faut très vite réimprimer ce Poème de Jouve Contre le grand crime.

Il y a urgence.
Pour cela passer outre condamnation de Jouve lui-même contre lui-même.
La répudiation de son œuvre antérieur.


Paroles de Poilus - Guillaume Picon - Points - 2014

Nous devons entamer une forte réflexion sur ces questions, car la commémoration de la première guerre mondiale a des effets éditoriaux puissants : on ne voit pas Hôtel-Dieu - Récits d'Hôpital 1915 sur les tables des libraires (où, en piles, on trouve Genevoix, Barbusse, Dorgelès, etc.), mais on trouve Paroles de Poilus, la récente anthologie de Guillaume Picon (en Points) qui donne à lire des extraits de Vous êtes des Hommes (1915) et de Danse des morts (1917).

Jean-Paul Louis-Lambert

Avril-mai 2014




Sur le site de Lecteurs de Pierre Jean Jouve

Sur le site de Lecteurs de Pierre Jean Jouve

Sur le site de Lecteurs de Pierre Jean Jouve, on peut trouver sur "la période pacifiste de Jouve" (1914-1920) les contributions de Roland Roudil qui a soutenu une thèse de doctorat à partir de la correspondance du peintre Gaston Thiesson (un ami de Jouve) et Romain Rolland :

Les contributions de Roland Roudil

Gaston Gallimard (dessin de gauche) et Pierre Jean Jouve (dessin de droite), fin 1916, par Gaston Thiesson
Croquis de Gaston Thiesson - Ma femme me lit l'article de Souday
Croquis de Gaston Thiesson - Gallimard écrit

  • Roland Roudil nous a aussi donné une série de notices autour du pacifisme français pendant la Première Guerre mondiale qui nous a servi à initier un dictionnaire (qui n'en est qu'à ses tout débuts).

La  première vie de Pierre Jean Jouve  (1887-1920)  : une section sur La Guerre et le Pacifisme


Mais il faudrait encore bien des choses ! Le nom de Jouve est apparu dans plusieurs manifestations. En voici déjà deux.


Manifestations


  •  Les Voix de la Paix : 1913-1933 —  Colloque international, du 5 au 7 février 2014, à l'École normale supérieure et à la Cité internationale universitaire de Paris, la communication de Dominique Combe (ENS) : " Le pacifisme des poètes. Pierre Jean Jouve et autres poètes français et britanniques".

  • Une nuit blanche (10 et 11 janvier 2014) autour des poètes de la guerre 14-18 a été annoncée par Ouest-France : performance du poète et homme de radio Dominique Cagnard qui a lu des textes en relation avec la guerre de 14-18 ; je cite : "Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 janvier, accompagné au piano, il mitraillera ses auditeurs retranchés dans la Station-Théâtre de poèmes et de chansons méconnus, d'auteurs allant de Prévert à Pierre Jean Jouve, en passant par Jules Mougin et Charles Peguy, fera leur siège avec des extraits de roman de Mac Orlan et de Dorgelès pour finir de les cerner avec La Peur de Gabriel Chevallier".  Vendredi 10 et samedi 11 janvier, à 20 h 30, à La Station-Théâtre, 1, route de Rennes, Beauséjour, à La Mézière. Renseignements, tél. 02 99 69 28 09.  
  • Bien sûr, nous sommes attentifs à toute manifestation sur ces thématique : si vous repérez une manifestation d'intérêt, prévenez-nous !


Sources

Sources
  • Daniel Leuwers, Jouve avant Jouve, ou la naissance d'un poète (Klincksieck, 1984).

  • Romain Rolland, Journal des Années de Guerre, Albin Michel, 1952.

  • Pierre Jean Jouve, Romain Rolland vivant, 1914-1919, avec portrait d’après Frans Masereel, Librairie Ollendorff, 1920.

  • Deux hommes se rencontrent. Correspondance entre Jean-Richard Bloch et Romain Rolland (1910-1918), Albin Michel, 1964.

  • Je commence à devenir dangereux. Choix de lettres de Romain Rolland à sa mère (1914-1916), Introduction d’Else Hartoch, Albin Michel, 1971.

  • Roland Roudil, Correspondance Romain Rolland - Gaston Thiesson (1915-1919), Faculté des lettres de Montpellier, 2011, sous la direction de Jean-François Durand, thèse dactylographiée, 674 p. et Annexe, 226 p.



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Dessins recueillis par Roland Roudil

© Les ayants-droits de Gaston Thiesson

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Sous la responsabilité de Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
Page réalisée par Jean-Paul Louis-Lambert

Première mise en ligne : 3 mars 2013