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Jouve - Portrait par Serge Popoff

Pierre Jean Jouve
et
le cinéma

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L'Adaptation du Monde désert
Notes par Pierre Beuchot


suivi de "L'Anti-SFP" par Jacques Fieschi

Lien avec la page Pierre Beuchot de Wikipédia

Le Monde désert

Film de Pierre Beuchot

Pierre Beuchot - Le Monde désert - Olimpia Carlisi

Baladine (Olimpia Carlisi) pose pour Jacques

Fiche technique

Fiche technique du Monde désert d'après l'Internet Movie Database

Réalisation : Pierre Beuchot

Scénario de Pierre Beuchot, Jean-Pierre Kremer et François Porcile, d’après le roman Le Monde désert (1927)  de Pierre Jean Jouve.

Musique de Patrice Mestral

Directeur de la photographie : André Dumaître

Caméra : Georges Orset

Son : Serge Deraison et Joël Faure

Décors : Claude Lenoir

Montage : André Chaudagne

Costumes : Gisèle Tanalias

Sculpture : Alain Déjardin

Tableaux : Paul Rovarino

Chargé de production : Denis Mazars

Production : SFP - Antenne 2 - SSR

Tournages . Haute-Savoie - Genève - Paris

Format : 16 mm couleur

Durée : 90 mn

Diffusion : Antenne 2 le 26 juin 1985


Photo de tournage
du
Monde désert

 Olimpia Carlisi
face à Pierre Beuchot

Photo de tournage du Monde désert : Olimpia Carlisi face à Pierre Beuchot


Distribution

Distribution d'après l'Internet Movie Database
Olimpia Carlisi 
Baladine
Sculture de Taddeo pour Le Monde désert de Pierre Beuchot
Daniel Olbrychski Luc Stephane
Jean-Louis Vitrac Jacques
Roland Amstutz   
Siemens
Christine Audhuy Germaine
Michel Cassagne Le pasteur
Sophie Chemineau Catharina
Jean Gillibert
Bordeneuve
Jean-Pierre Klein Taddeo
Claude Merlin Le père Stoebli
Michel Such Schuster
Jean Brard Le maire
Albert Delpy Bidermann
Jean-Claude Jay   
Le juge
Allan Chinn Paulo


Sculpture de "Taddeo" pour Le Monde désert
(artiste : Alain Déjardin)
Notes de Pïerre Beuchot
(1984)


« Interpréter les oeuvres est une façon de dépenser l'énergie ... »


« Interpréter les oeuvres est une façon de dépenser l'énergie affective qu'elles suscitent en nous, en même temps qu'une tentative (...) d'atteindre en elles, à certains secrets dont nous pressentons qu'ils nous concernent ».

Cette réflexion de Jean Starobinski, à, propos des essais de Pierre Jean Jouve, exprime profondément les sentiments qui m'ont conduit à adapter puis à filmer Le Monde désert. Car certains secrets du Monde désert seront toujours les nôtres.

Le roman, écrit en 1927, m'a séduit par sa modernité et ses audaces : style heurté et violent, poésie comme mode de narration, refus du réalisme, de la psychologie, de la vraisemblance même. Jouve rejoint là l'univers des grands "Européens" de son époque, Rilke, Wedekind, Musil ...

Beuchot - Le Monde desert - Olimpia Carlisi - Jean-Louis Vitrac - Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 1985

Baladine (Olimpia Carlisi), Jacques (Jean-Louis Vitrac) et en arrière-plan : Taddeo (Jean-Louis Klein)

Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 - 1985
Dans l'oeuvre romanesque et poétique de Jouve, les figures centrales sont toujours des femmes

Et parce que l'histoire de Baladine, de Jacques et de Luc n'est d'aucun lieu, ni d'aucun temps, elle retentit encore en nous.

Dans l'oeuvre romanesque et poétique de Jouve, les figures centrales sont toujours des femmes : Paulina, Catherine Crachat, Hélène. Dans Le Monde désert, c'est Baladine, une femme libre, énigmatique et complexe. Jacques la rejoint dans sa soif d'absolu, comme Luc, sans pour autant la comprendre. Auprès d'elle, les deux hommes oublient provisoirement leurs névroses ; mais ils ne perçoivent pas les faiblesses de cette femme, son incapacité à se fixer et la fatalité d'échec qui l'habite. Et si Baladine dispara!t, c'est sans doute qu'elle ne peut pas vivre dans un monde masculin marqué par le péché, la guerre et le poids du passé. Agirait-elle autrement aujourd'hui?

Jacques (Jean-Louis Vitrac) et Siemens (Roland Amstutz) devant le père et les gendarmes

Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 - 1985
Pierre Beuchot - Le Monde desert - Jean-Louis Vitrac - Roland Amstutz -  Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 1985
Le sujet du roman est aussi la description d'une époque tourmentée qui aboutit à la "catastrophe" de la guerre

Le sujet du roman est aussi la description d'une époque tourmentée qui aboutit à la "catastrophe" de la guerre, celle de 14-18. Pour Jouve, la paranoia des nations est identique à celle de ses personnages. Pour l'exprimer, il s'enfonce dans le coeur de chacun d'eux : il néglige leurs comportements pour mieux montrer les pulsions qui les animent. Il atteint ainsi de façon romanesque les trois grandes idées freudiendes, l'inconscient, la culpabilité et l'instinct de mort. Le roman explore les personnages comme des idées. Les véritables "héros" du livre (et du film) sont le désir, la mort et la faute. Ils vivent en Baladine, en Jacques et en Luc, ils les entraInent dans "une. bagarre, un éclatement de puissances irréductibles". "Deux sexualités autour de la femme" conduisent Jacques au suicide, au néant Baladine et Luc à la solitude totale dans un monde "désert", qui se pétrifie, qui a "le durcissement de la pierre" (Jouve - En Miroir).

Baladine (Olimpia Carlisi)  posant pour Jacques (Jean-Louis Vitrac)

Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 - 1985
Pierre Beuchot - Le Monde desert - Jean-Louis Vitrac - Olimpia Carlisi - Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 1985
Une vision cinématographique du roman s'est imposée à moi dès la première lecture

Une vision cinématographique du roman s'est imposée à moi dès la première lecture,: aidé en cela par le style de Jouve qui n'est pas sans points communs avec le langage du cinéma : multiplication des voies narratives, construction en séquen­ces juxtaposées plutôt que coordonnées, chronologie bous­culée et rompue par des ellipses ; dans le développement des scènes, surgit souvent, "en gros plan", l'éclat d'un détail mental ou décoratif. Et le roman abonde en indications de décors, de paysages, de lumières, de couleurs ..


Dans cet univers dominé par le blanc, le rouge et le brun, les trois personnages tiennent successivement leur partie comme dans un "opéra de chambre". Cette idée d'opéra a déterminé le choix de la musique qui, plus qu'un élément dé­coratif, a commandé le choix et le jeu des comédiens (diction et accent), a défini et organisé l'architecture du film pour en révéler le sens, le mouvement profond.



C'est Patrice Mestral qui a écrit la musique du film. Cette composition originale participe pleinement au ton et à l'esprit du film.

Jean-Pierre Krémer est à associer étroitement au travail d'analyse et d'adaptation du roman, François Porcile ayant collaboré à l'étape finale du scénario.


Pierre BEUCHOT
Août 1984

Une femme entre deux hommes : Jacques (Jean-Louis Vitrac), Baladine (Olimpia Carlisi), Luc (Daniel Olbrychski)

Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 - 1985
Pierre Beuchot - Le Monde desert - Jean-Louis Vitrac - Olimpia Carlisi - Daniel Olbrychski  - Photo Xavier Gassmann (C) Antenne 2 1985


L'Anti-SFP

par Jacques Fieschi

L'Anti-SFP

par Jacques Fieschi

Cinématographe,
juin 1985

Jacques Fieschi, critique et scénariste sur la page de Wikipédia et sur l'Internet Movie DataBase

Le roman de Pierre Jean Jouve, LE MONDE DESERT, procède de chapitres courts et intenses, d'une forme ciselée, où l'on sent l'écrivain soucieux de polir l'essentiel.

Ce caractère rare et élitaire de l'écriture n'a nullement contraint l'adaptation cinématographique qu'en donne aujourd'hui Pierre Beuchot. Elle lui a au contraire sug­géré une intériorité approfondie des personnages. Dans les ellipses de Jouve, le film trouve sa durée.

Remarquablement fidèle au livre, il donne pourtant au récit un flux narratif et une continuité inédite.

Au début du siècle, trois destins — une femme et deux hom­mes — conversent et s'entre-déchirent. Leur vie est un long débat esthétique dont Pierre Beuchot, au milieu de l'amnésie publicitaire d'aujourd'hui, restitue la néces­sité. Luc, le poète, et Jacques de Todi, le peintre, aiment la même femme, Baladine. Cette formulation par les héros de leur vie, leur aspiration à un Beau idéal, est trouée de moments de pure violence, de passion hostile, de scandales sexuels. Le climat culturel est ici rendu avec une extrême justesse : un certain rythme d'avant 14, une conversation la nuit au bord du lac de Genève ... 

Un homme qui n'est pas le père, Luc (Daniel Olbrychski), une femme qui est la mère, Baladine (Olimpia Carlisi) et l'enfant Pierrot
Pierre Beuchot - Le Monde desert - Daniel Olbrychski - Olimpia Carlisi
Olimpia Carlisi, muse à la fois hiératique et familière, joue avec simplicité une sorte de Femme éternelle

La scène de Jacques de Todi rencontrant dans un train un woyageur de commerce ridicule, rappelle Lafcadio et Amédée Fleurissoire avant l' "acte gratuit" des Caves du Vatican.

Notre cinéma est devenu si servilement contemporain que chaque évocation du passé, chaque fiction à costumes, encourt aujourd'hui l'infâmant reproche du téléfilm, de l'armoire SFP. Le film de Pierre Beuchot échappe à ce piège par la peinture minutieuse et fervente de ses perdants d'élite luttant avec leur siècle.

Olimpia Carlisi, muse à la fois hiératique et familière, joue avec simplicité une sorte de Femme éternelle, infiniment plus forte que les hommes dont elle nourrit et relance la poétique. Jean-Louis Vitrac donne profondément à sentir l'immaturité torturée de Jacques de Todi, et sans doute de tout artiste.


Jacques Fieschi
Baladine (Olimpia Carlisi) et Luc (Daniel Olbrychski)

Photo Claude Douce (C) Antenne 2 - 1985


Pierre Beuchot - Le Monde desert - Olimpia Carlisi - Daniel Olbrychski - Photo Claude Douce (C) Antenne 2 - 1985


Réception

La Belle Baladine
(extrait)

par Pascal Bonitzer

Cahiers du Cinéma
Juillet-août 1985


Adapté d'un roman de Jouve de 1927, Le Monde désert de Pierre Beu­chot raconte les amours cruelles de la belle Baladine (Olimpia Carlisi), de l'écrivain Luc Pascal (Daniel Olbrychski) et du jeune peintre Jac­ques de Todi (Jean-Louis Vitrac). L'action se déroule en Suisse, entre 1910 et 1920 : les lieux et l'époque sont évoqués avec précision, écono­mie et élégance. Mais l'essentiel est ailleurs, qui fait de ce film autre chose qu'un télé-film ou une illustra­tion filmique du roman. Le specta­teur est accroché par un mystère qui hante le film dès les premières images et qui ne cesse pas, se développe comme en-dessous du récit, dans les blancs et les syncopes de la chroni­que, jusqu'à la fin, pas moins ambi­guë et énigmatique que les événe­ments qui l'ont amenée.

On se soucie peu de savoir si le film est fidèle au roman. Il l'est manifes­tement, mais il l'est plus encore dans le style elliptique, plein d'une vio­lence qui n'explose jamais mais cerne ou infuse chacun des moments du film, ravage mystérieusement les per­sonnages, que dans la succession des épisodes (...)

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Les photos et les documents du film ont été reproduits avec l'autorisation de Pierre Beuchot

Texte de Pierre Beuchot © l'auteur
Texte de Jacques Fieschi
© l'auteur

La plupart des photos sont de Xavier Gassmann (sauf une photo de Claude Douce)
Antenne 2
© 1985

Jouve - Portrait par Serge Popoff
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Sous la Responsabilité de Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert

Page réalisée par Jean-Paul Louis-Lambert

Dernière mise à jour : 2 juin 2011
Première mise en ligne : 1er juin 2011