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                Portrait par Serge Popoff

Site Pierre Jean Jouve

Pierre Jean Jouve
(Arras, 1887 - Paris, 1976)

Un parcours biographique

par Jean-Paul Louis-Lambert et Béatrice Bonhomme 

Les étapes biographiques
Pierre Jean Jouve un des écrivains majeurs du second quart du XXe siècle

Un grand précurseurs de notre modernité

Après sa vita nuova, pendant les années prodigieuses 1925-1938, Pierre Jean Jouve a été, à lui tout seul, un mouvement littéraire, concurrent — sur le même terrain, mais en regardant dans une autre direction — tout à la fois du Surréalisme et d'André Breton (qui le reconnaissait), du Grand Jeu (il a été l'ami de certains de ses membres, Joseph Sima et André Delons), et du groupe de Georges Bataille — qui n'en parle jamais (à notre connaissance), mais Bataille le lisait certainement très attentivement, et Jouve a collaboré avec Pierre Klossowski et André Masson. 

Pendant cette courte période, Jouve a été l'un des plus grands romanciers de son temps, avec Paulina 1880, Le Monde désert, Hécate, La Scène capitale, un des plus grands poètes de son temps avec Les Noces, Sueur de Sang, Matière céleste, un des plus grands traducteurs de son temps avec Les Poèmes de la Folie de Hölderlin et de La Tragédie de Roméo et Juliette de Shakespeare, un des plus grands critiques musicaux de son temps avec ses articles sur Alban Berg et Bela Bartok. Grâce à sa synthèse précoce de la poésie symboliste, de la poésie mystique et de la psychanalyse freudienne, il est devenu l'écrivain majeur de la rencontre d'Eros et Thanatos qu'il a élargie de la vie intime privée (le mythe d'Hélène et le roman de Lisbé) à la vie collective politique (l'Apocalypse guerrière), mêlant érotisme et mystique. 

Quand la seconde guerre mondiale éclate, il est considéré comme un "Témoin" qui a prophétisé la Catastrophe européenne et, depuis la Suisse, il devient un écrivain majeure de la résistance intellectuelle pratiquant la "défense et illustration" du meilleur de la civilisation française. Il est également un grand écrivain critique littéraire et musical, avec des livres majeurs sur Baudelaire, sur Mozart et sur Alban Berg.  


 

Que signifie : "écrire une biographie de Jouve" ?


 La vie de Pierre Jean Jouve est plutôt mal connue, de par la volonté de l’écrivain. Or Jouve — sous forme parfois claire, mais souvent cachée —, a mis beaucoup de lui-même, de son âme et de sa vie, dans son œuvre. Son « Journal sans date » de 1954 s’appelle En miroir. C'est une magnifique autobiographie artistique et spirituelle, mais elle est très parcellaire, Jouve ne décèle que des aspects fragmentaires de sa vie. Ce qu’il dit cache souvent ce qu’il ne dit pas. Sa vie est également mal connue pour une autre raison : Jouve n'a pas été une personnalité publique se mettant en scène, et les sources habituelles (par exemple, les journalistes) se sont fort peu intéressées à lui.


Jouve -
                      En miroir - Mercure de France
Jouve - En
                      miroir - 10/18
Jouve - Oeuvre II - 1987
En miroir
Mercure de Fance, 1954
En miroir
10x18, 1972
Dernière réédition d'En miroir, dans Oeuvre II
1925
La vita nuova de Pierre Jean Jouve

En 1925, débute la "vita nuova" de Jouve : il déclare (en 1928) qu'il renie tout ce qu'il a publié jusqu'en 1924. Il interdit toute réédition, et tout commentaire de ces oeuvres qu'il estime "manquées". Il a divorcé d'avec sa première femme, Andrée Charpentier, il a rompu avec tous ses précédents compagnons. Il s'est remarié avec Blanche Reverchon, bientôt psychanayste reconnue. Il revient à la lecture des grands poètes symbolistes (Baudelaire), il lit les grands mystiques espagnols et italiens, il découvre la pensée de Freud. Jouve fait table rase et efface toute son ancienne œuvre. En 1925, sa nouvelle oeuvre commence avec Mystérieuse Noces et Paulina 1880


Ses amis qui ont écrit des biographie ont respecté ses vœux de silence. Ainsi René Micha, un ami depuis 1940, publie en 1956 (sous son regard) une monographie très utile car Jouve lui a fait des confidences très importantes, mais beaucoup de faits restent inconnus. Le Cahier de l'Herne de 1972 (dirigé par Robert Kopp et Dominique de Roux) est tout aussi laconique sur la première partie de la vie et de l'oeuvre de Jouve.


René
                      Micha - Jouve - Seghers - 1956 Jouve - Cahier de L'Herne - 1972
Daniel
                      Leuwers - Jouve avant Jouve - Klincksieck - 1984
René Micha
Pierre Jean Jouve
Seghers (1956)
Poètes d'aujourd'hui
Cahier de L'Herne
Pierre Jean Jouve
dirigé par Robert Kopp et Dominique de Roux
(1972)
Daniel Leuwers
Jouve avant Jouve ou la naissance d'un poète
Klincksieck (1984)
Jouve avant Jouve
et Textes retranchés en 1925

Des publications tardives, après la mort de Jouve en 1976, nous ont permis de mieux connaître des pans cachés de son oeuvre — et partant, de sa vie. Il y a d'abord eu l'incontournable biographie du "jeune Jouve" par Daniel Leuwers en 1984, Jouve avant Jouve, qui dévoile la première vie de l'écrivain avant sa vita nuova et la période de crise qui lui a fait changer de vie, et d'oeuvre. En 1987, Jean Starobinski publie deux volumes de Œuvre qui donne à découvrir de nombreux "Textes retranchés", ces livres (un roman, des récits, de nombreux recueils poétiques) que Jouve avait reniés et que nul ne devait lire.


Jouve
                      - Oeuvre I - 1987
Jouve
                      - Oeuvre II - 1987
Béatrice Bonhomme - Pierre Jean
                        Jouve - La quête intérieure - éditions Aden-
                        2008
Oeuvre I
édité par Jean Starobinski
Mercure de France 1987
Oeuvre II
édité par Jean Starobinski
Mercure de France 1987
Béatrice Bonhomme
Pierre Jean Jouve
La quête intérieure

Éditions Aden (2008)
1958-1967
Les réécritures tardives

Plus même : entre 1958 et 1967, Jouve avait réédité son oeuvre officielle (celle d'après 1925) et en 1987, on découvre aussi qu'il a beaucoup coupé dans cette oeuvre, voir réécrit des textes entiers.

La biographie de Béatrice Bonhomme, Pierre Jean Jouve ou la quête intérieure (2008) ajoute de nouvelles informations inédites montrant l'intrication extrême de la vie et de l'œuvre, alors que les romans de Jouve ne sont absolument pas "auto-fictifs". Mais Jouve usait largement de ses expériences privées pour nourrir son oeuvre.




Une brève biographie de Pierre Jean Jouve

Dans l'ombre une vie faite de ruptures

La première vie de Pierre Jean Jouve avant 1925

Les informations biographiques mettent à mal une idée reçue sur Jouve et nous informe sur une caractéristique de sa quête perpétuelle. Cet écrivain a la réputation d'être un solitaire ombrageux, et il est vrai qu'il détestait les groupes. Dans sa première vie, il a cependant fréquenté les écrivains de l'Abbaye, et il a été un membre actif (et reconnu) du symbolisme (1907-1909), du néo-classicisme (1910), de l'Unanimisme (1911-1912) et de l'art social (1913), enfin militant actif du Pacifisme pendant la première guerre mondiale (1914-1920). Il a été l'ami d'hommes de lettres importants, comme Stefan Zweig, Romain Rolland, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Jules Romains et le collaborateur d'un artiste majeur, Frans Masereel. Ces étapes montrent aussi en Jouve un artiste hypersensible et tourmenté, perpétuellement à la recherche des "mots pour dire" les images qui hantent sa psyché. Dans cette première vie, il ne les a pas trouvés. 

Les Années prodigieuses 1925-1938

Eros et Thanatos

Paulina 1880

Les Noces

Le Monde désert

Jouve - Hécate suivi de Vagadu -
Hécate
L'Imaginaire

Sueur de Sang

La Scène capitale

Matière céleste


Après sa vita nuova (la crise dure en fait de 1921 à 1928), Jouve connaît une deuxième vie. Il se tient en retrait de la "vie littéraire parisienne" (souvent politique). Ainsi il a vécu de 1923 à 1931 au cœur de Montparnasse sans jamais fréquenter les groupes de "Montparnos". Cependant, pour nous limiter à des amis des années 1925 et 1940, il a bien connu des écrivains tels que Rainer Maria Rilke, Jean Paulhan, Bernard Groethuysen, Jean Wahl, Jean Cassou, Joë Bousquet, Paul Eluard, PIerre Klossowski, Antonin Artaud, Pierre Leyris, et il en était apprécié. Il a été un compagnon de travail d'artistes importants : Joseph Sima, Balthus, André Masson. Il a écrit sur (ou à propos de) Alban Berg dès 1932. Il était principalement édité par Gallimard et il publie de façon importante dans les grandes revues littéraires : la NRF et Les Cahiers du Sud.

Jouve -
                      Paulina 1880 - Folio
Après sa vita nuova (la crise dure en fait de 1921 à 1927), Jouve connaît une deuxième vie. Il se tient en retrait de la "vie littéraire parisienne" (souvent politique). Ainsi il a vécu de 1923 à 1931 au cœur de Montparnasse sans jamais fréquenter les groupes de "Montparnos". Paulina 1880
Folio
Pendant les années prodigieuses 1925-1938, Jouve a été, à lui tout seul, un "mouvement littéraire", concurrent — sur le même terrain, mais en regardant dans une autre direction (Philippe Raymond-Thimonga) — du Surréalisme et d'André Breton (qui le reconnaissait), du Grand Jeu (il a été l'ami de certains de ses membres, Joseph Sima et André Delons), du groupe de Georges Bataille — qui n'en parle jamais (à notre connaissance), mais Bataille le lisait certainement très attentivement, et Jouve a collaboré avec Pierre Klossowski et André Masson. Jouve -
                      Le Monde désert - L'Imaginaire
Pendant cette courte période, Jouve a été l'un des plus grands romanciers de son temps, avec Paulina 1880 (1925), Le Monde désert (1927), Hécate (1928), La Scène capitale (1935), ...  Le Monde désert
L'Imaginaire
... et un des plus grands poètes de son temps avec Les Noces (1925-1931), Sueur de Sang (1933-1935), Matière céleste (1936-1937, un des plus grands traducteurs de son temps avec Les Poèmes de la Folie de Hölderlin (1929-1930) et La Tragédie de Roméo et Juliette de Shakespeare (1937), un des plus grands critiques musicaux de son temps avec ses articles sur Alban Berg et Bela Bartok. Grâce à sa synthèse précoce de la poésie symboliste, de la poésie mystique et de la psychanalyse freudienne, il est devenu l'écrivain majeur de la rencontre d'Eros et Thanatos qu'il a élargi de la vie intime privée (les mythes d'Hélène et de Lisbé) à la vie collective politique (l'Apocalypse guerrière), mêlant érotisme et mystique. Jouve - Les Noces suivi de
                      Sueur de Sang - Poésie/Gallimard
Quand la seconde guerre mondiale éclate, Jouve est considéré comme un "Témoin" qui a prophétisé la Catastrophe européenne. Les Noces
Sueur de Sang

Grandes oeuvres romanesques et poétiques de Jouve en collections de poche
Jouve - Dans les années
                      profondes - Matière céleste - Proses -
                      Poésie/Gallimard Jouve - Scène capitale - Jouve - Diadème, suivi de Mélodrame - Poésie/Gallimard

Dans les Années profondes
Matière céleste
Proses
Poésie/Gallimard

La Scène capitale
L'Imaginaire
Diadème, suivi de Mélodrame (Lyrique, Mélodrame, Inventions)
Poésie/Gallimard
La Catastrophe européenne
1938-1948

Tombeau de Baudelaire

Le Don Juan de Mozart

La Vierge de Paris

A partir de 1940 et pendant toute la guerre, Jouve s'exile en Suisse. Il devient une figure reconnue de la résistance littéraire intellectuelle anti-nazie avec ses poèmes apocalyptique de Gloire, tout en continuant à approfondir sa thématique personnelle (Éros et Thanatos) et approfondissant une méditation mystique sur le Nada. Il a cessé d'écrire des romans depuis 1935,  mais à côté des poèmes qui seront regroupés dans La Vierge de Paris, il  commence la rédaction de ses grands livres de critiques littéraires, artistiques et musicaux :  Le Tombeau de Baudelaire, Défense et Illustration, Le Don Juan de Mozart. Son éditeur principal est alors Walter Egloff qui dirige la LUF (Librairie universitaire de Fribourg). Jouve a entendu l'Appel du 18 juin 1940 et s'est attaché à la figure de Charles De Gaulle. En Suisse, Jouve s'est lié avec de nombreux écrivains et essayistes, comme Marcel Raymond, Albert Béguin ou Jean Starobinski

La traversée du désert
1949-1953

Diadème

Ode

Langue

Wozzeck (avec Michel Fano)

Après guerre, commence une traversée du désert dont on se demande si elle s'est jamais achevée. Il se brouille avec Jean Paulhan et Gaston Gallimard — il reproche à ce dernier son attitude pendant la guerre. Cette rupture sera radicalisée en 1953. Pendant cette période, Jouve publie chez des éditeurs courageux, mais marginaux : la LUF (émigrée à Paris), pour Louange, Minuit pour Diadème et Ode, GLM pour Génie et Apologie du poète, La Baconnière pour Commentaires, L'Arche pour Langue. Il publie un important travail fait en commun avec le compositeur Michel Fano, qu'il a connu au Domaine musical de Pierre Boulez : Wozzeck ou le nouvel opéra, chez Plon. 

Vers la Chine intérieure
1953-1969

En miroir


Lyrique


Mélodrame

Inventions


Proses


Moire


Ténèbre


A partir de 1954, Jouve retrouve un important éditeur, Le Mercure de France, qui va d'abord rééditer Langue puis publier son "Journal sans date", En miroir, géniale autobiographie spirituelle et intellectuelle, mais où Jouve ne nous présente qu’une part de sa vie et de son œuvre, laissant beaucoup dans l’ombre. Puis il publie ses nouveaux livres de poèmes : Lyrique, Mélodrame, Inventions, Moires, Ténèbre. Surtout, le Mercure de France réédite ses romans (en cinq volumes, à commencer par Paulina 1880 en 1959) et ses poèmes (en quatre volumes, à partir de 1964) qui étaient tous épuisés. Jouve est à la recherche de sa "Chine intérieure" et rapproche sa réflexion de celles de Ségalen (il préface une importante réédition de Stèles) et de Saint-John Perse

Les grands évènements de la fin de sa vie sont la publication du Cahier de l'Herne en 1972 et la sortie du film Paulina 1880 adapté par Jean-Louis Bertucelli.

Jouve traduit également Büchner/Berg (Wozzeck), Frank Wedekind (Lulu), Tchekhov (Les trois Soeurs), Shakespeare (Sonnets, Macbeth, Othello).

Si Jouve a rompu avec toute son oeuvre d'avant 1925, ses rééditions des années 1959-1967 montrent aussi qu'il a beaucoup coupé dans ses oeuvres "officielles", que ce soient celles des années prodigieuses 1925-1938, ou des années de guerre, et même d'après.

Paulina 1880 film de Jean-Louis Bertucelli
Un maître en poésie

Dèpuis 1940, et surtout à partir des année 50, Jouve devient l'ami (pas toujours facile à vivre !), et souvent le guide de toute une nouvelle génération d'écrivains et de poètes : Albert Béguin, Jean Starobinski, Pierre Emmanuel, Jules Roy, André Pieyre de Mandiargues, Henry Bauchau, Yves Bonnefoy, Salah Stétié, Fernand Ouellette. Mais Jouve s'est aussi brouillé avec de nombreux amis, comme Sima, Balthus, Pierre Leyris. Ce goût pour la rupture l'a poursuivi toute sa vie, et dans son oeuvre.


Béatrice Bonhomme
Jean-Paul Louis-Lambert
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Sous la Responsabilité de Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert Pages réalisées par Jean-Paul Louis-Lambert

Dernière mise à jour : 19 juin 2013
Première édition : 6 décembre 2011